Découvrez les premières design fiction de POSTILLON-PROSPECTIVE :
PSYCAR
Et si les GPS de nos véhicules autonomes endossaient le rôle de psychanalystes ?
Le véhicule autonome est source de bien des fantasmes et garante de bien des promesses. Entre autres : permettre aux passagers de coupler leur temps de transport avec une activité, qu’elle soit productive ou récréative.
Et si, dans une approche plus thérapeutique, c’était l’occasion d’un temps d’introspection et de psychanalyse ?
Peut-on repenser le GPS comme un guide intime, conduisant le passager sur la route du bien être psychologique ? Quels seraient les enjeux de ce type d’assistanat vocal à visée médicale ?
Le service TravelMind est disponible dans une large flotte de véhicules autonomes, pour le bien-être psychologique des patiengers, mot valise pour désigner les patients-passagers. L’entreprise a choisi de proposer un service d’accompagnement thérapeutique dans l’habitacle, pour aider son chargement humain à se décharger de sa charge mentale au fil des trajets, plutôt que de l’alourdir par des activités productives.
Découvrez les 4 scénarios imaginés dans le cadre de l’expédition Hypervoix, en collaboration avec la Fing:
LEADERBOT
Et si un assistant vocal devenait notre nouveau colocataire ?
Le “bot leader” est un assistant généraliste, non spécialisé. Il partage des informations en interaction avec les individus mais aussi avec les différents systèmes techniques. C’est un dispositif anti-cacophonie qui gère les priorités, la hiérarchie des objets afin de limiter les notifications/interactions vocales inopportunes. Le “bot leader” est paramétrable, proposant différents modes utilisateurs, selon différents profils afin de gérer les identités individuelles ou collectives et les accès. Ce dispositif peut privilégier des notifications écrites ou visuelles en fonction du contexte. Le “bot leader”, conçu comme un majordome numérique discret, est une réponse envisageable à l’image des hubs domotiques proposés aujourd’hui par les acteurs technologiques, alliant interactions vocales, commandes tactiles et écran de contrôle.
Ce scénario est issu de l’expédition Hypervoix menée en collaboration avec la Fing. Retrouvez ici le cahier issu de l’ensemble des travaux de l’expédition.
Check-list du bot leader idéal
- multilingue : pour basculer d’une langue à l’autre
- reconnaissance vocale ou sonore : pour détecter la voix mais aussi les sons
- authentification de l’interlocuteur selon le profil déclaré (administrateur, invité…)
- ubiquité : présence en simultanéité
- interopérable : pour l’émergence d’un standard interopérabilité
- paramétrable : pour reprendre la main
- sécurisé : prévenir les tentatives de hacking
- profil discret, bascule possible en mode visuel ou écrit
LE BVP
Et si un assistant vocal devenait l’aide scolaire dont votre enfant a toujours eu besoin ?
Et si un assistant vocal ouvrait de nouveaux modes d’apprentissage ? Dans ce scénario, le “Ministère de l’Education Nationale et des outils techno-pédagogiques” ambitionne de démocratiser le soutien scolaire en fournissant à chaque élève, de la 6ème à la terminale, un “BVP” ou Boîtier Vocal Pédagogique. Cet assistant vocal a pour fonction d’écouter ce qui se passe en classe et d’interagir avec l’élève hors des heures de cours pour le faire réviser de manière personnalisée, l’aider à creuser des sujets et à mémoriser, le faire se questionner par rapport à ce qui lui a été enseigné (consolidation de l’esprit critique). En faisant le pari du vocal, l’idée est de fournir un outil pédagogique qui ne surcharge pas le champ visuel des élèves avec un écran supplémentaire et aussi de pouvoir détecter précocement les cas de souffrance ou harcèlement scolaire, grâce à l’analyse émotionnelle et lexicale.
Ce scénario est issu de l’expédition Hypervoix menée en collaboration avec la Fing. Retrouvez ici le cahier issu de l’ensemble des travaux de l’expédition.
Vers quel mode d’apprentissage ?
Et si on imaginait un mode d’interaction maïeutique, où l’assistant, tel un Socrate des temps modernes, pourrait poser des questions au lieu de formuler systématiquement des réponses ? Car s’éduquer ce n’est pas seulement acquérir de la connaissance mais aussi développer des réflexions propres, remettre en cause ses préjugés, mûrir son esprit critique. Il faut “apprendre à apprendre” comme l’a formulé l’une des participantes de l’atelier. Ce pourrait être aussi la stratégie déployée à travers ce type d’assistant vocal : sortir du “par coeur” pour faire comprendre et mémoriser par connexions d’idées, astuces mnémotechniques, etc. Sans oublier la capacité potentielle, grâce à l’apprentissage machine, de mieux cerner les spécificité de chaque élève pour adapter les techniques d’apprentissage à ses besoins, complétant ainsi le mode d’apprentissage nécessairement normé du système scolaire.
ARLETTE
Et si les assistants vocaux étaient l’occasion de réinventer le syndicalisme ?
Et si un assistant vocal était dédié à l’action militante collective ? Dans ce scénario, l’assistant vocal propose une zone d’écoute (à priori) sécurisée, localisée (dans l’habitacle d’un VTC), qui invite à la confidence, à la prise d’information encapacitante et surtout, aide à effectuer un tri dans ce qui lui est confié, pour faire remonter une sélection de revendications destinées à impacter le système en place.
La design fiction “Arlette” invite à penser une technologie vocale qui serait le fruit d’un volonté activiste et d’un développement indépendant, loin du contrôle des GAFAM. L’usage de l’assistant est ouvertement politique et dépasse l’individu dans le sens où la finalité se veut l’action collective et le progrès social. La design fiction “Arlette” présente un assistant vocal “en réaction” à une situation de crise sociale, qui se veut un outil de contre-pouvoir et d’organisation de lutte collective. Est-il plausible d’imaginer qu’une technologie aussi poussée et massivement utilisée puisse être le fruit d’un développement indépendant ?
Ce scénario est issu de l’expédition Hypervoix menée en collaboration avec la Fing. Retrouvez ici le cahier issu de l’ensemble des travaux de l’expédition.
Le fantasme de la neutralité
L’assistant vocal, production humaine au même titre que n’importe quelle autre technologie, n’échappe pas au risque de reproduire de nombreux biais humains (sous-représentation, stigmatisation…) et ce avec toute la puissance algorithmique dont il est capable. Comment sont constituées les base de données qui permettent d’entraîner les assistants vocaux (machine learning) ? Où puisent-ils les informations que nous leur demandons ? Qu’est-ce qui donne sa légitimité à une source plutôt qu’une autre ? Comment sont arbitrées leurs décisions ? Les avis dont ils nous font part ? Quel profil de notre personne (se) construisent-ils au fil de nos échanges ? Quel droit à l’oubli ? “Arlette” donne l’illusion jouissive d’une technologie neutre au sens où elle répond par de l’information factuelle à des questions précises et qui relèvent du domaine du juridique. Peut-être est-ce là la clé d’une interaction saine au sens de conscientisée : se poser la question de ce qu’on peut se permettre de demander à la machine – et a contrario de ce qu’il vaut mieux éviter de demander afin de minimiser les risques.
VÉGÉTALK
Et si on imaginait un assistant vocal pour l’activisme écologique ?
Et si le vocal oeuvrait pour la “République du vivant” ? Des assistants vocaux pour sensibiliser aux enjeux environnementaux ? L’idée peut sembler paradoxale, du moins provocatrice, quand on sait qu’une technologie vocale, notamment lorsqu’elle embarque une forme “d’intelligence” est loin d’être sans impact sur l’environnement. Mais pouvoir donner de la voix à des objets, c’est aussi pouvoir donner la parole au vivant muet. Et si la nature prenait la parole pour assurer sa propre défense ? C’est ce que simule la technologie présentée dans la design fiction “Végétalk”, dans un but de sensibilisation et de protection du patrimoine environnemental.
Dans la lignée du “Parlement des choses” de Bruno Latour, ou dans les pas de l’écrivain et journaliste Aymeric Caron, antispéciste – idéologie qui consiste à placer les intérêts des animaux au même niveau que ceux des humains – cette design fiction propose un futur où l’on s’avance (peut-être) vers une écoute et une défense de la parole végétale. La “République du vivant” (formule d’Aymeric Caron) ainsi constituée serait une “biodémocratie” où les arbres du poumon vert d’Amazonie, pour commencer, se verraient garantir leur préservation et la défense de leurs intérêts – à noter que la justice de Colombie a déjà reconnu la forêt amazonienne comme sujet de droit en avril 2018.
Ce scénario est issu de l’expédition Hypervoix menée en collaboration avec la Fing. Retrouvez ici le cahier issu de l’ensemble des travaux de l’expédition.
Donner “la parole” à ceux qui en sont privés
L’anthropocentrisme est fréquent lorsqu’on cherche à communiquer avec d’autres espèces que la nôtre – il n’y a qu’à voir la manière dont on dépeint les extra-terrestre dans la culture populaire, ils revêtent souvent une forme pseudo-humaine ou sont animés d’intentions qu’on peut catégoriser, l’alliance ou la guerre.
Pour autant, peut-être y-a-t-il dans certains cas un intérêt à exploiter cette tentation de l’anthropomorphisme. Dans un contexte d’état d’urgence environnemental, “faire parler” la nature c’est jouer sur le ressort émotionnel de l’humain pour enclencher une action qui n’a que trop tardé. Au delà de l’action immédiate, cette parole artificielle peut-elle aider à un revirement de valeurs, sur le plan idéologique, en plaçant le vivant plus haut sur la scène juridique et démocratique ?